Ne demandez pas : “Pourquoi The Mind ?”. Jouez-y.

Ce jeu coopératif est un coup de génie. Il est envisagé comme l’un des jeux de cette année 2018 dans différents palmarès, dont le plus convoité d’entre tous : le Spiel des Jahres.

Vous avez, de mauvaise grâce, accepté une partie pour essayer, « mais-c-est-bien-passkeu-t-insistes »…

Au bout d’à peine cinq minutes vous percevez en vous un bouillonnement d’émotions qui chahutent entre peur, excitation, soulagement, impatience, angoisse. Car vous devez décider, peser et poser une carte ou vous retenir. Et vous tentez de deviner. Mais vous n’avez aucune information.
Il est interdit de communiquer.
… de communiquer CONSCIEMMENT !

Ce coup de génie qui tient dans deux principes typiquement humain et fondamentalement ludiques, vous tient.

« On ne peut pas ne pas communiquer »

Cet axiome d’impossibilité a été très étudié par les chercheurs intéressés par les techniques de communication, d’influence et les processus de changements de comportements – notamment en thérapie brève (Cf. les travaux de Paul Watzlawick de l’école de Palo Alto et auteur de « Faites vous-même votre malheur », entre autres).

Or, les joueurs soumis à The Mind sont la plupart du temps humains. À ce jour, je n’ai pas d’information quant à des essais effectués sur d’autres espèces : lapins blancs, castors, mammouths nains angoras…

Suivant l’affirmation de cet axiome, des messages télépathiques non verbaux sont émis et (d’autres ?) reçus. Fatalement.

Se gratter le nez lorsqu’on hésite, se rencogner au fond de son siège quand on ne se sent pas concerné,
poser un regard insistant sur le voisin quand on s’apprête à être interrompu
et qu’on a quelque chose à dire (ou, ici, une carte qui nous semble jouable)…

Selon une loi de la communication, ô combien vérifiable dans notre cas, les messages perçus ne sont pas nécessairement ceux envoyés. Et, comme si ça ne suffisait pas, ça se passe plus ou moins « à l’insu de notre plein gré ».

La panade ?…
Hmmm, mais c’est bon !

L’objectif est clair, simplissime.

Celui du groupe – c’est un jeu coopératif – est que les cartes soient posées sur la table dans l’ordre croissant.

Celui de chaque participant(e) consiste « seulement » à décider quand jouer chacune de ses cartes… en espérant qu’aucun(e) autre n’aura de carte inférieure à celle qu’elle ou il s’apprête à jouer.

Il n’y a pas de “tour”, on joue quand on veut ; c’est beau la liberté !

Fastoche.

Sur le papier, en effet, évident… les doigts dans le nez.
Mais, à la longue, c’est sale (les doigts dans le nez) et ça devient vite suffocant.

Respirez bien, c’est encore à vous de jouer.
À moins que ce ne soit à votre voisin ou à… moi…
Mais à qui, nom de nom ?!

Un jeu dont vous êtes le jouet.

Mais qui joue ?

Le second principe qui génialise* le jeu s’appuie sur l’absence quasi-totale de maîtrise de nos émotions. Chacun est acculé dans un coin ténébreux de son petit esprit – de son mind à lui qu’il a, pourrait dire le philosophe Jean-Claude Van Damme – à devoir décider seul(e) (!) de son action : je pose ou j’attends ?

* si ça existe ! Et d’abord je fais ce que je veux. C’est qui qui** écrit ?
** si c’est français ! Si t’es pas content, t’as qu’à*** écrire ton article.
*** je mets des « n’ » quand je veux.

Seul(e) ? Oui.

Pour un jeu coopératif, le comble.

Émotions… 3615 qui n’en veut ?

Le jeu, en tant que générateur d’émotions, est ici ce qui se passe dedans et non en-dehors de soi. Impossible d’avoir une idée juste de la chose en lisant ou en regardant. Les cartes, la règle simpliste, les lapins lévitants et les shuriken scintillants (ne demandez pas, jouez !) ne sont que la poudre aux yeux destinée à masquer une arnaque des plus fourbes qui soient. Car ce piège immonde, prétendument un jeu et présenté sous la forme d’innocents bouts de cartons numérotés de 1 à 100, recèle cette promesse impie : vous allez souffrir, vous en serez seul(e) responsable… et vous en redemanderez.

 

« Je suis venu, j’ai joué…
j’en ai bavé ma race »*

(*Julius Cæsar, s’il avait pu y jouer)
Ce jeu donnera, en outre, de nombreuses occasions d’exprimer sa parfaite mauvaise foi en reprochant à l’autre d’avoir pourri la partie parce qu’elle ou il n’aura pas joué sa carte ou l’aura jouée trop tôt.
De quoi se (re)faire des copains.
Un régal.
Le sous-titre du jeu, “Ne faisons qu’un… !” est goûtu, niveau ironie. “Ne faisons qu’un… !”, d’accord, mais lequel ?

Est-ce un vrai « jeu de règles » ? J’en doute.
Mais, incontestablement, une véritable expérience ludique.
Il court des rumeurs de personnes – y compris classifiées non-joueurs(ses) – internées en cure de désintoxication suite à un abus de parties. Néanmoins, certains (mauvais coucheurs) sembleraient immunisés. Une enquête est en cours.

NB si vous avez hâte de tâter de ce poison et de vous fâcher avec vos hôtes* sans encore vous l’être fait refiler par votre dealer habituel, il est possible d’y goûter avec le matériel de The Game, jeu de cartes commis chez le même éditeur.
Question foulure de neurones sur les titres, les auteurs et éditeurs se préservent ! “The Mind” après “The Game” …
À quand un jeu qui s’intitulera juste “It” ou “That” ? – tient, ça me donne des idées.

* juste histoire d’ajouter encore un circonflexe.

 


The Mind

picto-jeu-nb 2 à 4picto-jeu-age+8picto-jeu-temps5-15 min.
Ne demandez pas : “Pourquoi The Mind ?”. Jouez-y.
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